Synthèse du Colloque : Quels enjeux de l’IA pour les territoires numériques et les télécommunications ?
Retour sur notre colloque du 20 juin 2024, organisé en partenariat avec Smart World Partners à la Maison de l’Alsace, Paris VIIIe.
Dotée d’une forte expertise technologique et en Intelligence Artificielle, la France possède une carte à jouer maîtresse pour augmenter son attractivité. Pour les entreprises leaders du numérique, nos chercheurs et formations scientifiques sont une ressource mondiale. L’IA représente une révolution, dans le secteur des télécommunications comme pour les collectivités. Elle se pose en formidable outil d’efficacité et de transformation. Mais l’ouverture de ces perspectives ne va pas sans poser des questions de stratégie – financement, formation – et des enjeux éthiques, juridiques et environnementaux.
Les cabinets de conseil Circle Strategy et Smart World Partners ont réuni des experts des télécommunications et des territoires numériques pour échanger sur ce thème. Si les problématiques rencontrées sont propres à chaque domaine, nos discussions ont néanmoins mis en lumière des préoccupations transverses. Une question demeure unanime : comment concilier innovation en IA et durabilité, tout en fixant un cadre juridique ?
Dans le secteur des territoires et des collectivités, les cas d’usage de l’IA abondent, permettant tantôt de proposer de nouveaux services, tantôt d’optimiser leurs fonctionnement et coût.
Gestion de la consommation énergétique des bâtiments, propreté urbaine par la détection des déchets, … les usages « environnementaux » de l’IA sont nombreux, notamment à Bordeaux Métropole, représentée par Yann Mareschal, chargée de mission innovation. A ceux-ci s’ajoutent des expérimentations dans tous les secteurs.
A Bordeaux, l’IA permet par exemple d’analyser toutes les délibérations passées par la collectivité depuis plusieurs dizaines d’années dans tel ou tel domaine et d’en tirer l’ensemble des informations pertinentes pour préparer les nouvelles délibérations. En Ile-de-France, les flux de données traités par l’IA peuvent permettre la protection des infrastructures (télécoms notamment), l’amélioration de la relation administrative au citoyen, ou encore l’aide aux bénéficiaires du RSA, comme l’a présenté Rachid Adda, Directeur général de Val d’Oise Numérique.
Si les cas d’usage sont disparates, la collectivité peut bâtir des plans de réseau concertés et anticipés, selon Pierre-Michel Attali, Président de Smart World Partners : pour être structurés au sein d’une architecture commune, les développements nécessitent donc des schémas directeurs.
Cependant, les territoires ne disposent pas des mêmes moyens financiers ni de la même culture numérique. Face à cette inégalité, des outils supplémentaires peuvent être nécessaires. En Bourgogne Franche-Comté, l’Agence Régionale du Numérique et de l’intelligence artificielle (ARNia) représentée par son Président Patrick Molinoz, également Vice-Président en charge du numérique à la Région, permet d’apporter des solutions numériques aux collectivités qui, en manque de moyens et de subventions, n’en maîtrisent ni les usages ni les technologies.
Les partenariats public-privé sont également clés pour l’aménagement des territoires numériques. A l’instar de Veolia, dont le Chief Technology Officer Julien Largillière a présenté l’efficience des systèmes d’IA dans la détection de fuites d’eau. Les entreprises de service public peuvent assister les autorités locales à mettre en place des solutions digitales innovantes, notamment au service de l’environnement.
Dans le secteur des télécommunications, les cas d’usage explosent et permettent de générer de la valeur sur les données des entreprises
« L’IA est un sujet très nouveau dans l’actualité, mais elle est utilisée depuis longtemps dans l’industrie des télécommunications, notamment au sein des réseaux, dans les problématiques de planification, de maintenance et d’usage » a indiqué Bertrand Grau, Directeur général adjoint de Circle Strategy. Christian Léon, Directeur général de Ericsson France, Belgique, Luxembourg, Algérie et Tunisie a rappelé qu’elle ne permettait pas seulement d’optimiser les réseaux, mais également de soutenir les fonctions de maintenance, support et gestion clients. D’après Cédric Parent, Interim VP Strategic Industries EMEA chez Google Cloud, on peut catégoriser les attentes des grands opérateurs télécoms quant à l’IA générative. La modernisation des réseaux, l’aide à la transformation IT et le gain en productivité, l’amélioration de l’expérience client et enfin le développement de nouveaux produits et services constituent selon lui les quatre principaux cas d’usage.
Cette démultiplication des usages soulève la question de la responsabilité des entreprises. Face à des utilisations de l’IA fortement génératrices d’externalités, notamment environnementales, face à des modèles d’IA générative dont la robustesse et la transparence laisse encore à désirer, Michaël Deheneffe, Vice-Président Data et IA chez Orange Business, prône un « techno-discernement », soit une réflexion préalable permettant le choix du type de modèle le plus approprié pour chaque usage.
Pour faciliter cette maturité de l’entreprise, deux exigences s’imposent. D’une part, les salariés et clients doivent être acculturés. D’autre part, l’entreprise doit se munir de principes éthiques, à l’image de Google qui possède une charte éthique depuis le 7 juin 2018. En France, des outils comme Confiance.ai permettent déjà aux entreprises de traiter les questions de robustesse et de sûreté des systèmes.
Face aux risques élevés des pratiques liées à l’IA, seul un cadre légal commun permet de concilier innovation et éthique
« Des mesures s’imposent pour renforcer le RGPD et la sécurité des systèmes d’information » a rappelé Audrey Maurel, avocate associée en droit public et en droit des télécoms au cabinet INLO Avocats. Adopté en mars 2024 à l’Union Européenne, l’IA Act a doté les états européens du seul cadre protecteur au monde. Cette législation classe les systèmes d’IA selon leur niveau de risque pour les droits fondamentaux, tout en laissant une marge d’adaptation aux états membres. Ceux-ci disposent d’un certain délai pour définir le niveau de risque et les limites précises selon les cas d’usage rencontrés. Ayant pour vocation de sécuriser le recours à l’IA, l’IA Act permet aux états membres de tracer la trajectoire de leurs entreprises en restant conforme au règlement européen. Si la législation fournit un cadre indispensable, celui-ci ne doit néanmoins pas constituer un frein à l’innovation sur le sujet, avis que partageaient Frédéric Mazzella, Président fondateur de Blablacar et Gilles Babinet, Co-Président du Conseil National du Numérique et Membre du Comité de l’Intelligence Artificielle Générative.
Comment concilier le développement exponentiel des usages de l’IA et une réduction de notre empreinte environnementale ?
Formulée avec pertinence par Frédéric Mazzella, Président fondateur de Blablacar, cette question cruciale traverse les secteurs publics et privés.
Comment chaque entreprise peut-elle exercer une responsabilité environnementale dans ses usages de l’IA ? Dans les faits, l’irruption de l’IA est toujours associée à une dépense énergétique, a souligné Yves Gassot, Senior Advisor chez Smart World Partners. Mais pour certains, elle peut être maîtrisée par l’usage du Edge Computing. Experte IA chez Thalès, Juliette Mattioli préconise de prioriser la qualité des données (smart data) sur la quantité (big data) pour tendre vers une IA plus durable.
En allant plus loin, l’IA doit être également au service de l’environnement, c’est le message ambitieux de Gilles Babinet. « Le climat, mais aussi la biodiversité, sont des systèmes complexes, comprenant de multiples facteurs simultanés et séquentiels. Or, la grande force de l’intelligence artificielle, c’est justement sa capacité à embrasser la complexité en effectuant des arbitrages à moindre coût », annonce son ouvrage Green AI : L’Intelligence artificielle au service du climat. Possédant à la fois un atout technologique et des géants mondiaux dans le traitement de l’eau, des déchets et de l’énergie, la France doit se saisir de cette opportunité pour se spécialiser dans l’IA verte.
Conclusion
Pour les secteurs publics et privés, les questions de stratégie liées à l’avancée rapide des cas d’usage de l’IA se posent en nombre. La recherche de solutions pour concilier l’innovation et la durabilité au sein d’un cadre juridique concerne tous les secteurs. La perspective d’une Green French Tech comme la recherche d’une utilisation responsable de l’IA sont pleinement soutenues par Circle Strategy, dont la raison d’être est d’élaborer des futurs audacieux et durables. Cabinet de conseil en stratégie, Circle Strategy accompagne des directions générales sur les problématiques de stratégie de croissance, de modèle économique responsable et de transformation digitale et opérationnelle. Nos stratégies sont fidèles à la devise « Strat for impact » : elles visent une utilisation de l’IA qui, tant du point de vue environnemental qu’éthique, permette de poursuivre un triple impact positif économique, social et environnemental.
C’est aussi la vocation de Smart World Partners qui accompagne les territoires, en France et à l’étranger, dans leurs projets d’aménagement numérique, de territoires connectés et durables et plus globalement dans leur transformation numérique. L’utilisation de l’IA sur ces projets essentiels pour l’amélioration du cadre de vie pour les citoyens, pour la préservation des ressources naturelles, la promotion d’un développement durable et la compétitivité et l’attractivité d’un territoire pour les entreprises, peut être un formidable accélérateur. Elle implique de veiller au respect du cadre réglementaire et des valeurs d’éthique, et de privilégier les cas où elle présente une forte valeur ajoutée, notamment pour maîtriser l’impact environnemental de l’IA.
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