Notre souveraineté doit aussi être intellectuelle

by | 17 mai 2022

Le problème n’est pas tant la nécessité de faire appel à des cabinets de conseil que la dépendance de la France à une pensée stratégique élaborée outre-Atlantique, estime Augustin Van Rijckevorsel, fondateur de Circle.

Par Augustin Van Rijckervorsel (Président et fondateur de Circle.)

Avec la crise sanitaire, les Français ont pris conscience de la nécessité, pour l’Hexagone, de rebâtir sa souveraineté industrielle dans le domaine des médicaments, des semi-conducteurs ou des batteries. Avec la crise ukrainienne, c’est notre souveraineté énergétique et militaire qui a été mise en cause. Dans les deux cas, des réponses peuvent être trouvées à l’échelle nationale, d’autres à l’échelle européenne.

Mais s’il est un domaine où le besoin d’indépendance ne semble pas avoir été questionné, c’est celui de notre souveraineté « intellectuelle ». Sans doute la France a-t-elle réussi à faire respecter sa fameuse « exception culturelle » ( nous obligeons les grandes plates-formes, les Netflix, Disney ou Amazon, à créer français ), mais les enjeux de souveraineté intellectuelle vont bien au-delà de l’industrie du cinéma. Bon nombre de métiers ont des implications directes et indirectes sur la vie sociale et économique de la France et de l’Europe, et sur leur devenir.

Confidentialité des informations

Le premier est celui du conseil. Le débat qui s’est fait jour sur le recours aux cabinets de conseil par la puissance publique, et qui dénonce la quantité de missions, leur coût, ou l’évitement d’impôts par certains prestataires, laisse dans l’ombre une dimension essentielle : leur origine géographique.

Le problème est moins la nécessité de faire appel à des talents externes – toutes les organisations performantes, entreprises et Etats, y ont recours, aucune ne pouvant posséder, en interne, les compétences nécessaires à toutes les missions supplémentaires -, que la dépendance de la France à une pensée stratégique élaborée outre-Atlantique. Ou, à tout le moins, fortement inspirée par des principes économiques et une vision sociétale anglo-saxons.

En confiant des travaux qui engagent notre futur, majoritairement à des sociétés de cultures différentes de la nôtre, ou dont les intérêts peuvent diverger des nôtres, la France ne prend-elle pas des risques ? On pense à la confidentialité des informations, bien sûr, ou à la concurrence déloyale vis-à-vis des acteurs locaux si la fiscalité n’est pas la même pour tous, mais là n’est pas l’essentiel.

Ces prestataires ont, par leurs recommandations, une influence directe sur les décisions d’investissement, les ouvertures ou les fermetures de sites, la (re)localisation des usines . Ils pèsent sur l’emploi et pilotent des transferts de technologie. Ils investissent eux-mêmes dans la R&D. Ils contribuent à la prospérité future du pays… ou à sa relégation. S’il est établi que la nationalité d’un CEO a une influence sur ses décisions, la nationalité de ceux qui le conseillent en a une aussi.

Données sensibles

En réalité, ce sont tous les métiers à forte propriété intellectuelle qui sont concernés : les cabinets de recrutement qui choisissent les dirigeants des firmes, les banques d’affaires qui les conseillent lors des opérations de M&A, les avocats, les conseillers juridiques…

De même que l’on peut s’inquiéter de confier ses données sensibles à Amazon Web Services ou à Google, soumis au Cloud Act américain, et rêver d’ un Cloud européen compétitif, l’on peut s’accorder sur la nécessité de développer, à l’échelle de l’Europe, des drones de renseignement ou des avions de combat. Mais le moment n’est-il pas venu de rebâtir une souveraineté des métiers à forte propriété intellectuelle, afin d’adresser tous les enjeux d’indépendance industrielle et technologique auxquels nous sommes confrontés, et de donner à la France toutes ses chances ?

Loin de nous l’idée qu’il faille appliquer un protectionnisme à outrance ; mais nous sommes convaincus qu’à l’instar du mouvement de la French Tech, qui a accompagné la montée en puissance d’une trentaine de licornes , les métiers à forte propriété intellectuelle doivent être considérés, par les pouvoirs publics et les groupes privés, comme de véritables partenaires sur lesquels ils peuvent s’appuyer en toute confiance, afin de donner corps à leurs ambitions et d’envisager sereinement leur futur. Après la French Fab et la French Tech, pourquoi pas la « French Intellect » ?

Augustin Van Rijckevorsel est président et fondateur du cabinet de conseil en stratégie Circle.

Lien de l’article dans les Echos 

13 mars 2024

Circle continue sa réorganisation avec l’arrivée d’un DGA

Le cabinet Circle Strategy continue sa réorganisation avec l’arrivée de Bertrand Grau comme directeur général adjoint. Ce partner faisait partie de l’équipe qui avait lancé à Paris en 2019 l’entité stratégie de KPMG, Global Strategy Group (GSG), où il pilotait la...

7 mars 2024

Etude : l’impact du départ de Kylian Mbappé du PSG

Depuis son arrivée au Paris Saint-Germain en septembre 2017, à seulement 18 ans, Kilian Mbappé a non seulement marqué l'histoire du club, mais il a également laissé une empreinte indélébile sur le paysage du football européen. Son départ annoncé du PSG suscite...

29 août 2023

Evènement : Circle Insight 27/09/2023 – AI for Gender Diversity

Evènements, communautés, communication ciblée… les cabinets de conseil en stratégie multiplient les initiatives pour accroître la présence des femmes. Cependant, ces leviers n’ont qu’un impact limité. Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 17% du partnership...

15 juin 2023

La roue tourne chez Circle

Jean-Marc Liduena, associé de KPMG jusqu’en janvier dernier – il a notamment co-fondé la branche strat’, Global Strategy Group – est nommé CEO de Circle, l’entité stratégique du groupe Square Management.Augustin van Rijckevorsel, dénommé Gus, fondateur de Circle et...

3 mai 2023

Quand l’IA nous parle de souveraineté

Les progrès en intelligence artificielle sont spectaculaires, comme l'ont récemment montré les performances du chatbot ChatGPT. Sommes-nous prêts à relever le défi en Europe, et en France en particulier? A nous de mettre toutes les chances de notre côté, prévient...

24 février 2023

Un nouveau contrat social industriel et écologique

Alors que les espoirs naissants d’une réindustrialisation sont fragilisés par la multiplication des crises économiques, sociales et géopolitiques en Europe, comment lancer et réussir un débat citoyen pour repenser notre relation à l’industrie et sa place dans notre...

9 février 2023

Opinion | Réussir un fonds de souveraineté européen

Un fonds de souveraineté européen pour appuyer nos industries, nos technologies et la transition bas carbone sera discuté lors du sommet européen du 9 février. Julien Serre indique à quelles conditions il peut réussir.Le temps presse. Nous devons répondre à...

15 septembre 2022

La souveraineté intellectuelle, un choix d’avenir stratégique

Il n’y a pas à dire, Circle porte bien son nom ! Arrivé depuis à peine trois ans sur le marché du conseil en stratégie, ce cabinet fait déjà sa révolution. Fondée par un entrepreneur qui se revendique comme tel, cette entreprise fait le pari de s’adapter au monde...

15 septembre 2022

Un pas de côté pour écrire

Alexis Bonon, 31 ans, senior manager chez Circle depuis un an, au BCG entre 2015 et 2020, a pris plusieurs mois de congé sans solde afin d’écrire un nouveau roman. Son sujet, le dérèglement climatique, est d’actualité.Par Alexis Bonon (Senior Manager au sein de...