IA : Vers une banque conversationnelle
Pour plus d’interactions dans les banques de détail, Christophe Baniol propose la création d’un duo de conseillers, l’un humain, l’autre virtuel.
« L’IA générative doit permettre aux banques de basculer dans un autre modèle de distribution, plus orienté client, celui de la banque conversationnelle. »
En manque de qualité relationnelle, les banques de détail vont pouvoir s’appuyer sur l’IA pour recréer une qualité de service que la banque digitale a fini par dégrader.
En 2000, à l’orée de la révolution digitale, le NPS (Net Promoter Score) qui permet de mesurer la satisfaction de la clientèle du secteur bancaire mesuré par l’Observatoire annuel de l’Association Française des Banques (AFB), s’établissait à +13. Vingt-cinq ans après, la Fédération Bancaire Française (FBF) a prudemment renoncé à cet indicateur et le NPS moyen des banques à réseau tourne autour de zéro.
À grands coups de transformations, la mise en place du modèle phygital a donc dégradé la satisfaction client. C’est une terrible déconvenue. Les pures players digitaux ont fini par en profiter, eux qui affichent des NPS proches de 50 et une croissance spectaculaire.
Une relation distante entre conseiller et client
Ce que la banque multicanal a apporté en matière de simplification des usages (accès H24, 7/7 aux informations, aux opérations de banque au quotidien, souscriptions en ligne, mais réassurance de l’agence) a visiblement été gommé par la sensation d’éloignement que le modèle a induit.
Les banquiers se targuent d’une proximité client plus forte que jamais, à la lumière d’interactions quotidiennes des clients avec leurs espaces digitaux. Ils oublient qu’en consultant leur App, leurs clients n’ont pas la sensation de visiter leur banque, mais plutôt leur argent.
Et côté souscription de produits, ces mêmes clients boudent le digital. La part des produits les plus vendus en full on line n’excède en effet pas 15 % du total des ventes des banques à réseau.
Quant aux centres d’appels, ils demeurent perçus par beaucoup comme des passe-plats à la valeur ajoutée limitée qu’on appelle en dernier recours ou que l’on subit après y avoir été transféré. Pour nombre de clients, la banque phygitale est un monstre froid, peu clair, avec lequel il est devenu difficile d’engager la conversation.
Un nouveau duo de choc
L’IA générative doit permettre aux banques de basculer dans un autre modèle de distribution, plus orienté client, celui de la banque conversationnelle. Au centre de ce nouveau modèle, un binôme constitué du conseiller et de son équipier virtuel.
Le second allégera le quotidien du premier en répondant à certains e-mails clients à première demande et en interagissant au téléphone en langage naturel, sur des sujets de plus en plus élaborés. Intégré partout dans l’usage digital, ce banquier virtuel sera actionnable au fil de la navigation.
Embarqué dans les parcours de souscription en ligne, il apportera la pédagogie qui manque à ces expériences de vente désincarnées. Branché sur les canaux de réclamation client, il en accélérera le traitement. À terme, il se substituera aux parcours digitaux eux-mêmes en transformant l’expérience de saisie ingrate actuelle en un dialogue proche de celui en agence. Il sera même capable d’y générer de l’émotion. Et bien sûr, ce coéquipier virtuel sera tout autant au service du conseiller qu’il aidera dans sa quête constante d’expertise. Il le rendra plus efficace et plus pertinent.
Evolution des IA
Ce scénario de relève pas de l’utopie, mais d’une réalité en cours de concrétisation. Les nouvelles puces dédiées aux larges langages modèles révolutionnent l’usage oral de l’IA générative en faisant fondre les temps de réponse et la puissance nécessaire à son utilisation.
Des acteurs spécialisés travaillent sur des modèles de langage sectoriels qu’il sera facile à prendre en main (FinBert, FinGpt). L’usage de technologies RAG (Génération Augmentée de Récupération), l’utilisation d’approches hybrides d’IA gen/chatbot , la normalisation de la documentation interne rendent probable l’élimination des hallucinations.
Il faudra commencer petit bien sûr, par des applications internes, sur un périmètre produit limité et avec des questions simples. On interfacera les seules bases documentaires avant d’attaquer les systèmes de production.
Mais brique après brique, le modèle s’installera. Il rendra au conseiller le meilleur de son métier et offrira au client une banque accessible. Parce que l’être humain n’est pas né pour cliquer, mais bien pour converser, la banque conversationnelle est celle que les clients attendent.
L’IA, paradoxalement, sera l’instrument de cette révolution relationnelle.
Christophe Baniol est Partner Services Financiers chez Circle Strategy.
Baniol, Christophe, « IA : Vers une banque conversationnelle » in Les Echos, 5/06/2024.
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-ia-vers-une-banque-conversationnelle-2099344