ETUDE : Le dirigeant augmenté, sa nouvelle vie avec l’IA
Quel meilleur reflet des avancées de l’IA dans la société que son utilisation dans la vie personnelle et professionnelle des dirigeants d’entreprise ? À la croisée des chemins entre la performance business et la gestion humaine, pleinement mobilisés sur des missions requérant des facultés encore propres à l’homme, les dirigeants ont une expérience précieuse pour comprendre les répercussions profondes de l’IA.
Si l’on en croit Hans Jonas, philosophe de l’éthique des technologies, « tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité ». L’IA offre la possibilité de remplacer certaines étapes des processus d’analyse stratégique, de prise de décision et de gestion opérationnelle. Elle augmente les capacités humaines en matière d’organisation et de rapidité d’exécution. Ce bouleversement ouvre autant d’opportunités que de questionnements éthiques.
Dès lors, comment être chef à l’ère de l’IA ? Nous avons interrogé 50 dirigeants d’entreprises de tous secteurs et tailles. L’angle choisi permet d’aller au-delà des nombreuses études sur l’IA en entreprise pour se concentrer sur les usages personnels de l’IA. Entre les lignes de l’étude, on devine que l’IA n’a encore ni remplacé le processus décisionnel humain, ni supplanté l’esprit critique.
La Nouvelle vie du dirigeant augmenté par l’IA
53% des dirigeants interrogés disent avoir intégré l’IA générative dans leur routine quotidienne. 48% la considèrent indispensable dans la vie d’un dirigeant. Le gain de temps est le premier bénéfice escompté. Il permet pour certains d’économiser 1h par jour.
De nombreux dirigeants y voient un soutien à la vie administrative, d’autres s’y mettent par curiosité, par désir d’ouverture intellectuelle, ou poussés par l’émulation familiale. Les applications d’IA générative deviennent ainsi des incubateurs de créativité. L’IA générative est avant tout un tremplin pour la pensée ou l’action.18% des dirigeants utilisateurs lui confient des usages plus complexes.
30% des dirigeants estiment que l’usage de l’IA générative impacte leur prise de décision de manière positive. Pour autant, elle reste un appui à certaines étapes du processus, et non pas une entité décisionnelle. La substantifique moëlle de la décision reste humaine. Elle peut fournir un éclairage externe et une réassurance, mais ne saura remplacer le subtil équilibre entre la perception des faits, l’intuition, l’expérience, les émotions et le raisonnement d’un dirigeant.
Pourquoi l’adoption de l’IA par les dirigeants est-elle si inégale ?
La perception générale de l’IA générative par les dirigeants est nuancée. 72% expriment quelques réserves. Parmi les limites mentionnées, on retrouve fréquemment les risques de perte des données et d’atteinte à la vie privée, les risques de désinformation, et l’érosion de la capacité à réfléchir et de la créativité. Seuls 15% des dirigeants mentionnent l’impact environnemental de l’IA. Aux risques s’ajoutent des problématiques éthiques variées : faiblesse des garde-fous réglementaires, crainte d’une réduction des effectifs, etc.
Pour autant, la question « Faut-il utiliser l’IA ? » n’a plus lieu d’être. La seule question éthique qui demeure est celle de l’usage : comment devons-nous l’utiliser pour en faire l’occasion d’un progrès humain ?
Comment les dirigeants entendent ils mieux vivre avec l’IA en 2025 et au-delà ?
« Un facilitateur et un gardien », c’est ainsi qu’un des dirigeants interrogés décrit le subtil équilibre de la mission du dirigeant. Définir une vision, donner le cap et mettre à disposition les moyens. Entre l’humain et la machine, il s’agit d’assurer une collaboration fructueuse. Cela suppose d’anticiper la révolution occasionnée par l’arrivée de l’IAgen en entreprise, et avec elle son impact sur le corps social, les métiers, la pyramide des âges et des savoirs.
Dans la vie professionnelle comme personnelle, l’IA peut dégager du temps pour les relations sociales et les tâches humainement enrichissantes. Elle nous oblige surtout à une exigence supplémentaire : pour garder son esprit critique, il faut le décupler, ainsi que sa curiosité. L’urgence est à la formation de chacun.
Cette étude interroge le sens et la place des technologies dans notre société et pour chaque individu. Au-delà des projections futuristes sur le dirigeant augmenté ou « diri.genAI », les réflexions de nos interlocuteurs ont abouti à une question qui dépasse les enjeux de compétitivité, de cas d’usage ou de profit. « Comment penser un usage personnel et professionnel de l’IA qui puisse nous rendre plus humains ? » C’est peut-être la question à laquelle notre époque devra répondre. Selon Frère Jean-Michel Grimaud, Père Abbé de Landévennec, « peut-être que la grande vertu de l’intelligence artificielle est d’amener l’humain à prendre conscience de son originalité d’être humain. Mais si l’intelligence peut être dite artificielle, la conscience, elle, ne l’est pas. »